" Notre Cloche " Juin 1982 H. Duruz

On est resté attaché
A un bien joli quartier,
A son collège qui a un clocher
Même une tonnelle dans un verger.
Une jeune concierge bien sympatique,
Deux salles d'école, pour nous nostalgiques...
Un préau pour la gymnastique :
Pour la " récré ", c'était pratique,
Des " recoins " pour notr'pique-nique.
De mini-dépendances
Maint'nant branquignolantes,
avec un gal'tas, une galerie,
Un vrai paradis pour les fouines,
Une chambre à lessive, un réduit,
Servait d'cagibi pour l'chenit.
Des " latrines ", très peu hygièniques,
Bien loin d'sentir le myosotis !...
Une fontaine au bassin de pierre,
On s'y désaltérait d'eau claire
A même son goulot.
Aujourd'hui elle préserve du chaud
Ce fin nectar de nos coteaux
Qui nous permet d'trinquer tantôt.

Avant que le temps n'aoit fait ses ravages,
LA Sallaz-Vennes formaient un vrai village.
Notr'petit collège avait l'avantage
De suffire pour les bouèbes du voisinage,
Mais comme la ville bien haut a débordé,
Un beau grand frère on a dû lui donner :
" collège de Grand-Vennes " il est baptisé,
Mais c'est tout faux... Le vrai Grand-Vennes
Se trouve sur les " fin-hauts " de Vennes, A la limite des Palinzards.
D'où est venue l'idée bizarre
De faire " dérupiter ",quel toupet,
Grand-Vennes jusqu'au replat e Boissonnet ?
Nos pères en seraient tout " motzets " !...
Notre vieux collège, lui, est nommé
Du juste nom de son quartier.
Voilà pourquoi chaque été
On s'y réunit dans l'amitié
Des souvenirs du temps passé....

Mais, jaloux, un bon " Chahuant " ¹
M'a dit d'un p'tit air moquérant
" permettez qu'on vous interroge,
Franchement :
Où diable est votre horloge ? "
Il oubliait simplement
NOTRE CLOCHE !...
Une cloche, c'est un instrument
Avec un battant en dedans
Qui, tapant au bon moment,
nous rappelle un événement.
C'est pas une montre Oméga
Ni un chrono de championnat Et si l'on veut la regarder
Perchée là-haut dans son clocher
Faut joliment se tortiller
Ou alors se reculer
Bien au-delà du verger,
Mais c'est pour nous qu'elle a sonné
Chaque jour, hiver comme été
Pour nous dire : " Faut pas hésiter
A venir chez moi étudier "...
NOTRE CLOCHE
A la manière d'être " branlottée ",
Eloi nous f'sait prévoir d'emblée
A quelle sauce on serait mangé,
De quelle humeur et d'quelle façon
Il allait nous faire les leçons :
Le lundi, dans le clair matin,
C'était sur un air serein
Qu'elle prédisait : " Soyez sans crainte
Puisqu'aujourd'hui c'est l'histoire sainte... "
Mardi, d'la Suisse c'était l'histoire
Carillonnait de toute sa gloire :
" Vous devez par coeur bien savoir
Les dates de vos victoires d'antan,
Et jusqu'au général Guisan !... "
Le mercredi : géographie...
Elle vibrait vraiment dégourdie :
" Vous récit'rez sans répartie
Tous les cantons de notr'patrie
Plus les pays sur Tante Sophie²
Jeudi, sur une note plus amère :
" Préparez-vous pour la grammaire
Sans oublier l'calcul oral !... "
Ça nous fichait en bas l'moral.
On avait déjà la pétoche
Car il y aurait des taloches !...
Vendredi, lendemain d'hier soir...( ?)
Elle sonnait comme une ramassoire,
Son rythme était saccadé,
Elle avait des ratés,
Cherchant un juste milieu
Semblait dire : " Qui ne peut ne peut ! "...
Bref, notr'Maître, du Cercle démocratique,
Qu'il présidait d'son âme patriotique,
Etait rentré tout euphorique !...
Ses leçons s'raient tournées en bourrique,
On riait, sachant qu'ses théories
Allaient bien faire rougir les filles !...
Samedi, changement de tournure :
Les filles avaient la leçon de couture
Les garçons apprenaient la pratique
De leurs futurs devoirs civiques
Et c'est alors qu'Eloi Métraux
Semait sa graine de radicaux,
Prêchant : " c'est l'parti qu'il vous faut "
(Yavait pas Weber pour l'porte-à-faux !...)
Ch'vallaz clamait déjà bien haut :
" Elle a bien mérité du Pays d'Vaud
VOTRE CLOCHE "...

Pour conclure (comme disait Gilles !...)
Depuis que M'sieur Rumeley
Lui a flanqué la paix,
Tout lä-haut sur son faîte
Elle est à la retraite,
Mais elle n'en reste pas moins
Le symbole et l'témoin
Alors qu'étant gaminsNous suivions son chemin
Il y a bien des années
Ici-même évoquées
Sous ce bon vieux clocher...
Elle a bien mérité
De la postérité
Dans notre cher vieux quartier :
NOTRE CLOCHE !...



Juin 1982 H. Duruz